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La France produit trop d’électricité : que se passe-t-il vraiment ?

Publié le 7 mai 2025

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De la sobriété à l’abondance : une fausse surproduction ?

Une consommation qui augmente faiblement

Il y a quelques années encore, alors que les centrales nucléaires faisaient face à un problème de corrosion les rendant indisponibles, la France appelait à la sobriété énergétique. Aujourd’hui, la situation s’est inversée : la France exporte même de l’électricité après une production record en 2024.

Faut-il parler de « surproduction » ? Pas vraiment. Ce que l’on constate, c’est surtout un déséquilibre : l’offre progresse rapidement, tandis que la demande reste relativement stable. En 2024, la consommation électrique n’a augmenté que de 0,7% par rapport à 2023, atteignant 449,2 TWh.

Autrement dit, l’électricité est là, mais elle n’est pas toujours consommée au bon moment. Ce déséquilibre ponctuel offre pourtant une vraie opportunité : celle d’accélérer l’électrification des usages pour valoriser une production déjà largement décarbonée.

Une production renouvelable en forte hausse

À cette tendance s’ajoute la montée en puissance des énergies renouvelables, notamment du solaire et de l’éolien, dont la production s’accélère au rythme des nouveaux raccordements et des conditions climatiques favorables. Par exemple, le 31 mars 2025 à 13h30, la production solaire a atteint un pic inédit de 18 GW. En 2024, plus de 5 GW de nouveaux projets photovoltaïque ont été raccordés au réseau électrique national.

Le cocktail de cette demande qui se réduit et d’une offre en pleine expansion place le réseau face à une réalité nouvelle : gérer un afflux d’électricité plus important que les besoins nationaux, notamment autour de la mi-journée.

Le pilotage des moyens de production pour gérer l’offre et la demande

Un système électrique efficient est un système électrique équilibré. Ce qui compte, c’est l’adéquation de l’offre et de la demande, et cela dépend notamment de différents critères : l’heure, la météo, la saison, le niveau de consommation. Autrement dit, c’est quand et une énergie est mobilisée qui en détermine la pertinence. Une centrale nucléaire qui tourne à vide un dimanche d’avril n’est pas plus efficace qu’un parc solaire coupé en plein midi faute de débouché.

Les conséquences de ce surplus d’électricité

Un défi inédit pour le système français

En France, la demande varie fortement selon les heures et les saisons : entre 30 GW dans un creux nocturne d’été, et près de 100 GW lors d’un pic hivernal à 19h. Pour répondre à cette demande fluctuante, les capacités de production doivent être ajustées en conséquence.

Mais le développement rapide des énergies renouvelables, notamment du solaire, très productif autour de la mi-journée, transforme profondément l’équilibre du réseau. À certaines heures, notamment autour de la mi-journée sous l’effet de l’essor du solaire, l’offre excède largement la demande.

Dans le même temps, le redémarrage d’une production nucléaire massive — peu flexible par nature — accentue ces déséquilibres. EDF a ainsi produit entre 358 et 364 TWh d’électricité nucléaire en 2024.

Résultat : les prix de l’électricité peuvent devenir temporairement négatifs. La France se trouve ainsi en position de devoir exporter ses excédents vers ses voisins européens.

Production en hausse de l’électricité : un impact financier ?

Après les craintes de pénurie en 2022, la situation s’est radicalement inversée en 2025. La France fait désormais face à une forme de surproduction électrique, portée par une forte hausse des énergies renouvelables et un retour à pleine puissance du parc nucléaire. Ce phénomène s’est accentué avec un printemps exceptionnellement ensoleillé, boostant la production solaire. Dans le même temps, la consommation d’électricité n’a progressé que très légèrement.

Cette abondance, mal alignée avec la demande réelle, a provoqué des déséquilibres sur le marché. Résultat : des épisodes de prix négatifs, coûteux pour les finances publiques. En 2024, ils auraient représenté environ 30 millions d’euros de charges pour l’État.

Les producteurs bénéficiant d’un contrat « d’obligation d’achat » ou de complément de rémunération ont été protégés grâce à des compensations. En revanche, pour les producteurs ne disposant pas de ce type de contrat, les prix négatifs de l’électricité ont représenté un manque à gagner important.

Pourquoi ne peut-on pas stocker l’électricité ?

L’électricité est une énergie à la fois indispensable et capricieuse. Contrairement à d’autres formes d’énergie, elle ne se conserve pas facilement. Cette caractéristique impose de grandes contraintes pour gérer le réseau électrique, surtout à l’échelle nationale. 

Le stockage à grande échelle reste minoritaire

Les solutions existantes — batteries, stations de transfert d’énergie par pompage (STEP), ou retenues hydroélectriques — jouent un rôle d’amortisseur mais sont peu déployées. Les STEP, par exemple, peuvent restituer environ 3 GW, les pics de consommation français atteignant jusqu’à 100 GW en hiver.

Les installations hydroélectriques avec retenues d’eau, qui jouent un rôle clé, ne suffisent pas à elles seules, à compenser les variations instantanées de la production renouvelable, notamment solaire et éolienne. Le stockage est donc trop peu développé à ce jour pour lisser les pics de production ou de consommation

installations hydroélectriques

Des solutions pour mieux réguler la production élevée

Éolien en mer : des arrêts de production désormais possibles en cas de prix négatifs

Face à la multiplication des épisodes de prix négatifs sur le marché de l’électricité, les autorités françaises ont commencé à ajuster les règles du jeu. L’objectif : limiter les pertes financières. Depuis mai 2025, plusieurs parcs éoliens en mer — notamment ceux de Fécamp, Saint-Nazaire et Saint-Brieuc — peuvent désormais suspendre leur production lorsque les prix passent en dessous de zéro. Cette évolution a été rendue possible grâce à des avenants à leurs contrats d’achat. Elle permet de stopper temporairement la production lors de périodes de surabondance, en échange d’une compensation financière versée par l’État.

Jusqu’à présent, ces parcs étaient soumis à des contrats d’obligation d’achat, les incitant à produire quel que soit le contexte économique. Ce fonctionnement, devenu inadapté face à la volatilité actuelle du marché, contribuait à une charge budgétaire croissante pour l’État. Selon Bercy, les premiers arrêts de production ont été réalisés avec succès les 10 et 11 mai 2025.

À compter du second semestre 2025, des dispositions similaires s’appliqueront aux parcs éoliens terrestres les plus puissants, également sous contrat d’obligation d’achat. Par ailleurs, les futurs contrats de soutien aux énergies renouvelables prendront désormais la forme d’un « complément de rémunération ». Cela afin de responsabiliser davantage les producteurs vis-à-vis des conditions de marché.

Réformes des Heures Pleines / Heures Creuses

Historiquement, les Heures Creuses étaient principalement positionnées la nuit, lorsque la demande d’électricité était naturellement plus faible. Ce modèle, bien qu’efficace pendant des décennies, devient aujourd’hui inadapté face à la transformation du paysage énergétique français.

Dans ce contexte, la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) a préparé une refonte complète du dispositif « Heures Pleines / Heures Creuses », dans le cadre du projet TURPE 7, dont l’application sera progressivement effective à partir du 2e semestre 2025. L’objectif ? Mieux répartir les consommations pour éviter les pics de tension sur le réseau et valoriser les périodes d’abondance. 

La réforme prévoit donc une nouvelle approche : conserver un minimum de 5 heures creuses nocturnes, tout en introduisant des créneaux tarifaires réduits en journée, plus en phase avec les nouveaux pics de production solaire, mais aussi avec les changements de modes de consommations (télétravail, appareils programmables, etc).

Grâce à cette évolution, environ 90% des foyers bénéficiant d’offre Heures Pleines / Heures Creuses — contre 40% aujourd’hui — pourront accéder à deux plages horaires avantageuses, l’une la nuit, l’autre en journée. Cette flexibilité permettra aux consommateurs de décaler leurs usages énergivores (chauffe-eau, lave-linge, recharge de véhicules électriques, etc.) vers les moments où l’électricité est non seulement moins chère, mais aussi plus abondante. 

En savoir plus sur la formule Heures Pleines / Heures Creuses

Vous hésitez entre la formule Base ou Heures Pleines / Heures Creuses ? Découvrez les différences pour comprendre ces formules et choisir la plus adaptée à votre foyer. 👉 Lire l’article : Quelles différences entre la formule tarifaire Base et HP/HC ?
Chaque mois, la bellenergie vous accompagne directement sur votre facture en vous indiquant combien d’heures creuses vous avez consommé (si vous avez la formule HP/HC) et vous précise si cela est avantageux ou s’il serait plus intéressant pour vous de passer en formule tarifaire « Base ».

Anticiper les écarts pour maintenir l’équilibre 

RTE appelle désormais les « responsables d’équilibre » à renforcer la précision de leurs prévisions de production et de consommation. Lorsqu’il existe un décalage trop important entre les estimations et la réalité, cela complique fortement la gestion du réseau et entraîne des interventions coûteuses de dernière minute pour maintenir la stabilité. 

Traditionnellement, les déséquilibres sur le réseau électrique français étaient plus fréquents en été. Cependant, selon des observations récentes, ces épisodes se manifestent désormais dès le mois de mars et pourraient perdurer jusqu’en juin. 

Ces leviers, combinés, offrent une réponse pragmatique et urgente à la complexité d’un système électrique en pleine transition. Ils témoignent aussi d’un impératif clair : adapter les modes de production et de consommation pour que la richesse produite par les renouvelables serve pleinement à notre société et soit une source de consolidation du réseau.

Transformer les défis en opportunités

La production importante d’électricité en France en 2025 met en lumière les défis d’un système énergétique en plein changement. Certains parlent de surproduction, mais ce terme masque une réalité plus nuancée : c’est moins un excès d’énergie qu’un décalage temporel entre les pics de production et les usages.

Cette situation constitue une opportunité stratégique. Disposer d’une électricité abondante — et en grande partie décarbonée — offre un terrain favorable pour accélérer l’électrification des usages, optimiser la consommation et renforcer notre autonomie énergétique.

Pour en tirer pleinement parti, il est indispensable de faire évoluer le système en améliorant la flexibilité de la consommation, en accélérant l’électrification et en renforçant la coordination entre production et demande.

Des acteurs engagés, tels que le fournisseur d’électricité verte la bellenergie, jouent un rôle essentiel en accompagnant les consommateurs vers une utilisation plus responsable de l’énergie. En adoptant des pratiques de consommation éclairées, chacun peut contribuer à un avenir énergétique durable.


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